• ● Les ordonnances prévues par la loi Taubira n’ont pas été publiées. Quelles conséquences ?

    Après avoir reçu plusieurs messages sur ce sujet, j’ai cherché à en savoir plus. J’ai interrogé plusieurs professeurs de droit. J’ai reçu des avis différents, mais à partir desquels il est possible de se faire une idée de la situation. C’est cette synthèse que je vous propose ici.

    Si, comme moi, vous n’êtes pas juriste, il faut d’abord comprendre ce qu'est cette histoire d’ordonnances. En gros, c’est une dérogation du fonctionnement législatif qui transfère à l’exécutif le soin de rédiger diverses dispositions qui sont normalement du ressort de la loi. C'est souvent fait pour chercher à accélérer le travail parlementaire.

    Le recours aux ordonnances est dérogatoire du droit commun. Il est donc strictement encadré : encadré en ce qui concerne les sujets à traiter ; encadré dans le temps. Ici, le créneau était ouvert pendant 6 mois. Il est maintenant refermé.

    Le champ du recours aux ordonnances dans la loi Taubira est d’une portée assez limitée. Il concerne seulement l’article 14, qui traite de la mise à jour des différents codes de loi (en dehors du Code Civil) et de la mise en conformité des codes d’Outre-Mer. Il s’agissait entre autres d'y supprimer les notions de père, mère, époux, épouse. Sans doute aussi d’autres points, mais ce n’est pas mon propos. Cela dit, il semblerait qu'une des conséquences est que la loi ne serait pas applicable Outre-Mer. Je n'ai pas eu confirmation de ce point.

    Quelles sont les autres conséquences de l’absence de ces ordonnances ?

    1- La première et la plus évidente est que l’ensemble de notre droit écrit n’est plus cohérent. Mais cela n’empêche pas bien sûr les mariages et adoptions homosexuelles. Donc, sur le plan pratique, peu ou pas de conséquences à court terme.

    Il y a toutefois une autre conséquence. Elle est liée à l'avis du Conseil Constitutionnel.

    2- Une loi doit être intelligible pour être constitutionnelle. C’était un des points qu’avaient soulevé les signataires du recours devant le Conseil Constitutionnel. Celui-ci a répondu dans « le considérant 81 » (autrement dit, le 81 ème point de sa réponse) que l’argument de défaut d’intelligibilité de la loi ne pouvait pas être retenu, justement parce que le Gouvernement allait le traiter par ces ordonnances.

    Ainsi, en renonçant aux ordonnances, le gouvernement prive une partie de la décision du Conseil constitutionnel du motif qui en était  «le soutien nécessaire et en constituait le fondement» (excusez-moi pour la formulation, mais c’est en ces termes que le Conseil constitutionnel définit traditionnellement l’autorité de ses décisions). 

    Cette situation vis à vis du Conseil Constitutionnel pourrait être inédite au sommet de l’Etat. En fait la question semble être là : le fait que la réponse à un de ses point soit caduque peut-il rendre caduc l’ensemble de l’avis ?

    Cette synthèse, aussi proche que possible de ce qui m’a été fourni par les Professeurs de Droit que j’ai interrogés, suggère plusieurs commentaires.

    D’abord, pourquoi le Gouvernement et le Parlement ont-ils voulu à l'origine passer par les ordonnances ? Sans doute pour aller vite. Rappelez-vous comme ils étaient pressés de faire passer la loi. Il est probable qu’ils estimaient que le sort du pays en dépendait. Les ordonnances leur permettaient, en toute légalité, de faire passer la loi en se dispensant de faire le travail complètement.

    Ensuite, pourquoi n’ont-ils pas fait passer ces ordonnances depuis ? Avaient-ils peur d’une nouvelle mobilisation ? C'est une supposition. Il semblerait malgré tout que la rédaction de ces ordonnances aurait été un véritable casse-tête et aurait donné lieu à de nombreuses critiques et controverses.

    Ils préfèrent laisser incohérent l’arsenal législatif sur les conséquences de la loi Taubira. Nous savions que tout cela avait été bâclé. Nous le voyons encore sur ce point particulier. Sans doute, cela ne leur fait ni chaud ni froid : quand on est capable de supprimer la notion de père et de mère du code civil, on n’est plus à une incohérence près.

    S'asseoir sur l'avis du Conseil Constitutionnel ne les émeut pas davantage.

    Mais demander au Parlement une nouvelle loi, qui est leur seule solution pour en sortir, ça doit tout de même les embêter…

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Abechu
    Samedi 28 Décembre 2013 à 09:30
    L'avis du conseil constitutionnel sur l'intelligibilité de la loi, celle-ci devient de facto inconstitutionnelle ! Une action judiciaire est-elle en cours pour le faire constater par un tribunal ?
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