• ● Nous aurons la PMA

    Il circule sur Internet une information selon laquelle par une sorte de préséance juridique, l’adoption de la loi sur le mariage homosexuel entrainerait automatiquement celle de l’ouverture de la PMA aux couples homosexuelles (et peut-être de la GPA), à cause de la Cour européenne des droits de l'homme et de l’argument de « non discrimination ».

    N’étant pas juriste, j’ai voulu en avoir le cœur net. J’ai interrogé plusieurs professeurs de droit. Leurs opinions convergent sur ce point : le risque est réel, et l’éventualité très probable.

    Tout  fait profane en la matière, comme je suppose la majorité des lecteurs, j’ai un peu creusé la question et les institutions en jeu. Si vous avez la curiosité de comprendre de quoi il s’agit, c’est expliqué ici.

    La Cour européenne des droits de l'homme 
    Cette Cour est une émanation du Conseil de l’Europe. Elle n’a donc (sauf erreur de ma part) rien à voir avec les institutions de la Communauté Européenne.

    Le Conseil de l’Europe en effet regroupe 47 pays. Ses deux institutions principales sont le Conseil des Ministres (il s’agit des Ministres des Affaires étrangères des pays membres) et une assemblée parlementaire composée de  321 membres élus ou désignés par les parlements nationaux. 

    Schématiquement, le Conseil de l’Europe produit des normes ou des conventions de nature juridique. Celle qui nous intéresse ici est la Convention européenne des droits de l’Homme.  C'est cette Convention qui a institué la Cour européenne des droits de l'homme. Cette Cour est chargée de l’application de cette Convention. Elle siège à Strasbourg.

    La Convention européenne des droits de l’Homme (CEDL)
    En France, de Gaulle et Pompidou avaient refusé de ratifier cette Convention. C’est Giscard qui l’a fait ratifier. Puis Mitterrand l’a ouverte aux recours individuels en 1981.

    Certains juristes estiment que cela a abouti à ce que cette Cour s’arroge le pouvoir de censurer les lois des États membres et de désorganiser les systèmes juridiques internes.

    Dans la Convention, deux points intéressent les lois sur les mariages homosexuels et leurs conséquences.

    Le mariage homosexuel et ses conséquences dans la CEDL
    L'article no 12 de la CEDL définit le droit pour l'homme et la femme de se marier, à l'âge défini par la loi, et de fonder une famille. Il semble que, malgré de nombreuses saisines, la Cour a jusqu'à présent refusé d'appliquer les dispositions de cet article aux mariages homosexuels. La Cour a justifié cette position en considérant que l’article 12 ne s'appliquait qu'au "mariage traditionnel".

    Mais le mariage homosexuel et ses conséquences peuvent rentrer par la fenêtre : à savoir l’interdiction de la discrimination. Cette interdiction de la discrimination, inscrite dans la CEDL, était limitée au départ aux droits couverts par la Convention. Le « Protocole 12 » de cette Convention a ensuite étendu l’interdiction de la discrimination à tous droits légaux nationaux, même si ceux-ci ne sont pas protégés par la Convention.

    Application à la PMA et à la GPA
    Il semble donc que ce soit par invocation du principe de non-discrimination et par des saisines de particuliers que la PMA et la GPA pourront être autorisés pour les couples homosexuels mariés. La quasi-totalité des juristes que j'ai interrogés considèrent que ce résultat, s’il n’est pas automatique, est extrêmement probable. IL demandera du temps, à cause des procédures, mais il aboutira très probablement.

    Un indice important en est donné par une toute récente décision (mars 2013) de la Cour dans une récente affaire. L’ Autriche acceptait qu’un  concubin adopte les enfants de l’autre, sauf s’ils sont de même sexe. Cette position a été portée devant la Cour par une couple homosexuelle. La Cour a condamné l’Autriche pour discrimination. 

    Ainsi, il est  quasi-certain que la Cour de Strasbourg considérerait comme discriminatoire le fait d’accorder la PMA à  certains couples mariés et de la refuser à d’autres.

    Il existe toutefois d’autres textes supra nationaux qui peuvent être invoqués dans cette affaire.

    Au niveau de l'Union Européenne
    Il existe une Charte  des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cette Charte  comprend deux articles qui pourraient jouer en sens contraire.

    Cette Charte reprend dans son article 21 le principe de non discrimination  :

    "Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle."

     Ainsi, en se basant sur ce principe de non-discrimination, il est vraisemblable que l'UE adopterait la même solution que la CEDH.

     En revanche – et à la différence de la Convention européenne des droits de l’Homme- la Charte de l’Union Européenne consacre les droits de l’enfant dans son article 24 :

    1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.

    2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

    3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt.

    Cette disposition pourrait être invoquée à l’encontre d’une couple homosexuelle qui souhaiterait avoir un enfant.

    A l'ONU
    Enfin, il existe une convention internationale de l’ONU du 20 novembre 1989 sur les droits de l’enfant. Je n’ai pas d’éléments sur ce texte ni sur sa portée.

    Note : l'usage du féminin pour les couples homosexuelles dans cet article est intentionnel et expliqué dans l'article "Et les couples de chapons ?"

     

     

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